Croyances Populaires
Plusieurs croyances superstitieuses qui se retrouvent dans la communauté juive marocaine proviennent souvent d’un fonds culturel commun juif et musulman.
Les croyances populaires évoquent le mauvais œil, la présence d’Ogres (Afarit) et l’influence des esprits : les Djnoun (Mazikim chedid en hébreu), ou “gens d’en bas”, sont des forces invisibles qui peuvent se métamorphoser en animaux.
Ils sont doués d’ubiquité, sévissent dans l’obscurité et sont responsables des maladies des humains et de toutes sortes d’autres maux.
Pour s’en protéger, on peut avoir recours à des pratiques rituelles d’exorcisme : l’invocation de la protection des anges, l’astrologie. Les amulettes, contenant l’une des combinaisons du nom divin, sont aussi utilisées même si cet usage contrevient aux traditions religieuses. On profite également des pèlerinages sur les tombes des saints thaumaturges, pour implorer leur protection.

Des formules magiques sont utilisées pour protéger les accouchées et les nouveaux-nés, tout comme la cérémonie du fer lors des rituels de naissance.
La Khemsa (cinq en arabe) et le poisson constituent des symboles de fertilité et d’abondance, et de protection contre le mauvais oeil.
Le poisson, qui dans le traité talmudique Berakhot, échappe au mauvais œil grâce à la protection de l’eau, protégerait ainsi la descendance de Joseph.
Symbole de protection, la main associe ses vertus à celles du chiffre cinq dont la symbolique mystique se rattache aussi bien à la pensée de la Cabbale qu’au mysticisme musulman.
En hébreu, la main se dit Yad qui fait référence à la Main de D. et à sa toute puissance. Ce motif peut être accompagné de lettres hébraïques qui forment le mot Chaddaï (nom de la Divinité protectrice et de sa toute puissance). La Maghen David (étoile de David) est aussi employée.



La main peut aussi être insérée dans des textes cabbalistiques pour protéger les lecteurs de tout péril, comme la maghen david.
Ces textes et leur combinaison, peuvent aussi faire appel, indépendamment de leurs motifs symboliques, à la protection des saints.
L’usage répandu du henné dans les traditions juives marocaines rappellent celles du monde musulman.



Le Henné, une poudre colorante jaune ou rouge provenant des feuilles séchées et pulvérisées, est censé protéger des démons et purifier le corps.
La cérémonie du henné occupe une place importante dans le mariage; la pâte de henné est placée sur les mains des mariés. Dans la vallée du Todra, pendant qu’on applique le henné au marié, on récite à trois reprises chacun des vers suivants :
Henné du Dra
Henné de la Montagne
On peint le marié
Qu’il ait des enfants
Qui auront la crainte de Dieu
La Srira était une amulette placée autour du poignet des fiancés, et ils la portaient du début des cérémonies jusqu’au jour de leur mariage. Elle contient du Hermel, (peganum harmala) très utilisé dans les fumigations et les lotions pour écarter les démons.
A Marrakech, la srira était mélangée à du sucre et placée dans le lit nuptial, afin que l’épouse soit douce envers son mari. A Settat, on y ajoutait du sel.
Les tamzwarat, des femmes plus âgées, reconnues pour leurs qualités personnelles, et leurs pouvoirs sur les forces obscures et les démons occupaient une place importante dans les rituels magiques.

Avec les amis du mari, islan, elles protègaient les mariés des démons et des influences du mauvais oeil durant la cérémonie de l’azmomeg et lors du bain rituel ou tebila. C’est une tamzwara qui entrait la première dans l’eau avant que ne s’immerge la mariée, pour faire fuir les démons.
A Amizmiz, dans le Haut-Atlas occidental, elle dirigeait aussi la cérémonie du nettoyage du blé, un rituel des communautés rurales avant le Protectorat français.
Les charmes et remèdes, tout comme le recours aux pèlerinages et aux visites chez les rabbins thaumaturges, sont aussi répandus pour lutter contre les maladies et la stérilité.
Par exemple, le rabbin est investi du pouvoir de guérir l’impuissance masculine (nouage ou itqaf), attribué à un mauvais sort jeté sur l’époux.

On invoque aussi des textes cabbalistiques pour contrer la stérilité ou enrayer d’autres problèmes.
Si beaucoup de ces croyances et de ces pratiques sont tombées en désuétude, certaines sont encore utilisées, sous une forme atténuée, pour les rituels entourant la naissance et le mariage.