L’Education

Le système d’éducation a connu des formes d’éducation traditionnelles et plus modernes avec les écoles de l’Alliance Israélite Universelle, ainsi que des approches pédagogiques qui ont modifié le rapport à la tradition et sa place dans le registre des connaissances.

L’éducation traditionnelle est une prérogative des hommes, bien que les femmes puissent accéder à la lecture des prières.

Le système d’éducation traditionnel porte sur la transmission du patrimoine juif dans le cadre de la famille restreinte et élargie où l’apprentissage de base se fait par l’imitation des parents. La participation aux activités de la synagogue fait souvent office d’école.

L’école, aux moyens limités, est souvent une annexe de la synagogue.

Ecole Primaire et Professionnelle de Filles Jacques Bigart -Marrakech - (Photo AIU)
Ecole Primaire et Professionnelle de Filles Jacques Bigart -Marrakech - (Photo AIU)

Il y a peu de matériel scolaire (planches-tableaux, bibles, feuilles de papier et plumes en roseau).

Les maîtres sont payés par les parents ou la communauté , qui n’exercent pas sur eux de contrôle administratif ou pédagogique.

L’école rassemble le plus souvent des enfants d’âge différent , qui entrent à l’école “Sla” généralement entre 3 et 6 ans.

L’acquisition d’aptitudes à la lecture de l’hébreu est privilégiée, ainsi que la cantillation, la mémorisation des textes sacrés et leur interprétation à partir de traductions dans les langues locales (judéo-arabe, judéo-berbère, judéo-espagnol).

L’apprentissage de l’écriture se réalise plus tardivement avec l’usage de la cursive andalouse pour les textes profanes ou de la calligraphie Rashi pour les textes sacrés et les documents littéraires.

Ainsi que la cantillation, la mémorisation des textes sacrés et leur interprétation à partir de traductions dans les langues locales (judéo-arabe, judéo-berbère, judéo-espagnol).

Pour assurer la discipline, le maître, à qui l’enfant doit respect, peut recourir à des châtiments corporels dont l’intensité dépend de la faute :

La tachmila comprend des coups de fouets sur la plante des pieds.

La falaka: les chevilles sont enserrés et 39 coups de fouets sont infligés
La falaka: les chevilles sont enserrés et 39 coups de fouets sont infligés

La Falaka: les chevilles sont enserrés et 39 coups de fouets sont infligés.

La Karma : une pièce de bois entrave les chevilles de l’élève pour le punir de l’école buissonnière.

Les élèves finissent leur apprentissage à l’école après leur Bar-Mitsvah. Ceux qui désirent acquérir une formation plus poussée et obtenir le statut de Talmidéi-Hakhamim ou lettrés, doivent fréquenter les Yeshivot fondées par des particuliers ou par la communauté.

Le professeur, un rabbin estimé, mieux payé que le maître, peut cumuler les fonctions de prédicateur, de paytan de scribe, et d’abatteur rituel.

Les relations entre le maître et ses élèves sont marquées par le respect.

Le programme d’étude comprend, d’une part, l’explication de la Loi (Din) qui sous-tend la pratique des Mitsvot et, d’autre part, le développement des aptitudes intellectuelles par la discussion des textes talmudiques (Pilpoul) et de leurs commentateurs ou des codes juridiques comme le Choulhan Aroukh de Yossef Caro.

Le choix des traités talmudiques dépend des professeurs. Les Piyoutim sont aussi enseignés dans des confréries par des maîtres reconnus.

L’obtention du statut de rabbin est le résultat de l’ordination de l’élève par le maître (Semikhah): ce dernier appose ses mains sur la tête de son élève et le bénit.

On forme aussi les étudiants aux lois et aux pratiques de l’abattage rituel. Les études se poursuivent de façon plus informelle à l’occasion des prédications, des visites de rabbins ou de l’étude nocturne de la Torah, du Zohar et des écrits éthiques (Mousar).

L’éducation traditionnelle se voit bouleversée par les écoles de l’Alliance Israélite Universelle, dont la première voit le jour en 1862 à Tétouan. Elles initient les garçons comme les filles aux matières juives et profanes, négligées par l’enseignement traditionnel et permettent l’apprentissage de nouvelles professions.

Issue de la philosophie des Lumières, qui considère l’éducation comme le principal moyen d’émancipation, l’AIU se trouve bien souvent en opposition avec les autorités juives locales.

Assumant le même discours que le colonisateur, elle contribue à distendre les liens qui existent entre les Juifs et les Musulmans. Plusieurs communautés juives s’opposent d’ailleurs à la création des écoles de l’AIU.

Ecole William Oualid. Photo de groupe de la 5ème A . 1961-1962 (Photo AIU)
Ecole William Oualid. Photo de groupe de la 5ème A . 1961-1962 (Photo AIU)
Nouveau réfectoire Ecole d'Essaouira (Photo AIU)
Nouveau réfectoire Ecole d'Essaouira (Photo AIU)

A la veille du Protectorat, environ 5000 enfants sont scolarisés dans les écoles de l’AIU dans les principales villes du Maroc (Tétouan, Tanger, Larache, Rabat, Casablanca, El Jadida, Safi, Essaouira, Marrakech, Meknès et Fès).
Sous le Protectorat, ce réseau d’écoles obtient le monopole de l’éducation juive laïque, les écoles publiques fréquentées par les élèves européens étant interdites aux enfants juifs, sauf pour une minorité d’entre eux.

La progression des écoles de l’AIU, freinée par la crise économique de 1929 et la Seconde Guerre Mondiale, reprend au lendemain du conflit. L’AIU développe son réseau de maternelles, d’écoles primaires et secondaires dans toutes les communautés juives du Maroc.

Ce mouvement se prolonge après l’indépendance du Maroc, et l’apprentissage de l’arabe est introduit dans le programme. Ittihad-Maroc a pris la relève de l’AIU qui continue de soutenir leur réseau scolaire.

25ème anniversaire de l’Ecole Normale Hébraïque (ENH) de Casablanca.Dîner d’ouverture des parents d’élèves du dimanche 14 mars 1971 dans le réfectoire décoré de l’école .Allocution de M. E. Sebban, directeur de l’E.N.H.Derrière lui : la chrorale de l’école (Photo AIU)
25ème anniversaire de l’Ecole Normale Hébraïque (ENH) de Casablanca.Dîner d’ouverture des parents d’élèves du dimanche 14 mars 1971 dans le réfectoire décoré de l’école .Allocution de M. E. Sebban, directeur de l’E.N.H.Derrière lui : la chrorale de l’école (Photo AIU)
Ecole Professionnelle Israélite - Atelier - 1958 (Photo AIU)
Ecole Professionnelle Israélite - Atelier - 1958 (Photo AIU)

D’autres organismes internationaux appuient la scolarisation des Juifs au Maroc.

Le JOINT- l’American Jewish Joint Distribution Committee (JDC),créé en 1914, fournit des fonds et des services pour aider les Juifs en détresse dans les différents pays, alors que l’ORT (Organisation de Réhabilitation par le Travail) est une organisation fondée en 1880, pour contribuer à l’acquisition des métiers techniques et agricoles par la population juive d’origine russe.

Par la suite, elle s’internationalise et crée des écoles dans les pays de l’Est, en Europe, puis dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique. En collaboration avec l’AIU, elle forme les jeunes juifs aux métiers techniques (électricité, tournage, secrétariat, dessin technique, etc.).

L’AIU établit en 1946 une Ecole Normale Hébraïque (ENH) qui forme des instituteurs issus des communautés locales et favorise la réunion des anciens élèves en associations dans la plupart des villes marocaines.

Regroupées en une fédération, elles participent au développement des œuvres de bienfaisance.

L’ouverture des écoles publiques françaises aux enfants juifs provoque une césure entre les matières juives et le programme français, avec pour corollaire une laïcisation poussée de leurs élèves. Ces influences, jugées trop modernes, des réseaux complémentaires se mettent en place.

Ainsi, les écoles du réseau talmud Torah, créées par l’organisation Em Habanim (la mère des enfants) sont fondées après le Protectorat à Fès, Meknès et Sefrou, sous l’influence d’un rabbin européen. Le programme d’études juives modernisé coexiste avec les matières profanes.

Les mouvements religieux juifs sépharades des états-Unis soutiennent aussi la création des écoles Otsar Hatorah-Névé Chalom,alors que les Hassidim Loubavitch contribuent à la naissance du réseau Ohalei Yossef Itshak qui maintient un cursus religieux.

Aujourd’hui, les jeunes Juifs marocains sont nombreux à compléter leurs études supérieures dans les universités du Maroc, de France et d’autres pays; ils et elles se spécialisent dans les domaines les plus divers, sans renoncer à leur héritage religieux et spirituel.